La rose jaune et la petite couronne d’immortelles

Évolution personnelle et professionnelle

La rose jaune et la petite couronne d’immortelles

Article paru dans les Cahiers jungiens de psychanalyse, nov. 2015, n°142 : QUESTION DE CADRE

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Abandon entouré d’abandon,
Tendresse touchant aux tendresses…
C’est ton intérieur qui sans cesse
Se caresse dirait-on ;

Se caresse en soi-même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exaucé

(Les roses, Rainer Maria Rilke. )

A l’intérieur d’un état d’être ouvert, trouver une contenance relève de l’exploit, la possibilité d’y transformer le monde, d’un réel accomplissement. Rilke, abandonné aux marges de lui-même dès sa naissance, « dispersé comme un mort dans une vieille tombe », mais travaillé par les besoins de son œuvre, y parvient et rassemble, en son sein, la configuration impossible. Et la chante, en figures, en mouvement, la présente, la rose tout particulièrement : la rose, ses pétales tout uniment rangés, uniquement tournés et plissés serrés, au dedans. En possession d’un cœur, dès sa naissance si bien entouré, et là, si tendrement pressé, qu’en desserrant l’étreinte, elle s’épanouit et trouve son équilibre entre son cœur et le monde.

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Résumé :

Non reconnu par une mère dont il est le jouet, Rilke est un enfant en mal de contenant, exposé. Sa constitution psychique perméable et dispersée, voire dissociée, limite son pouvoir de concentration et de travail. A vingt-huit ans il rencontre Rodin, découvre Cézanne et une qualité de regard qu’ils ont en commun : tout de concentration et pureté d’intention. Un tel regard accueille, enveloppe et, ainsi, rassemble étroitement l’objet de sa contemplation en lui-même. Ce regard attentif, englobant et respectueux de son intégrité permet à la chose en devenir d’apparaître telle quelle et de rayonner alentour. Ce regard, qui est aussi le sien, Rilke s’en empare et l’exerce, encore et encore, dans deux recueils de quelque deux cent poèmes : Les Nouveaux Poèmes . Le travail de ces « poèmes-choses », véritables objets d’art qu’il cisèle et colore avec le plus grand soin, lui donne un cadre à l’intérieur duquel il œuvre au resserrement de sa propre constitution et à son pouvoir de concentration. Selon ses propres termes, il est en chemin pour devenir un ouvrier, un long chemin, et il n’en est qu’à la première borne.